La colère est immense.
Les Dévalideuses soutiennent la mobilisation sociale de septembre 2025 (grèves, manifestations, actions locales) contre la cure d’austérité en cours et annoncée.
La société que l’on nous dessine est toujours plus violente, toujours plus à la charge des plus vulnérables. La destruction des services publics crée des classes segmentées dans la société : celleux qui peuvent aller dans le privé se faire soigner par exemple, et celleux qui vont subir de plein fouet la dégradation du service de santé. Dans cet exemple, le manque de moyen entraîne des violences : racisme médical, maltraitances qui peuvent aggraver l’état de santé, jusqu’à conduire à la mort, violences sexistes et sexuelles,… l’austérité détruit les vies.
Dans ce contexte de précarisation, de non accès au soin, et d’humiliation, on nous propose, qui plus est cette année, de légaliser le suicide assisté.
Dans tous les pays où cela a été le cas, les critères d’accès ont été élargis encore et encore. Au point que les personnes finissent par demander la mort, non pas à cause de souffrances intrinsèques à leur état, mais parce qu’elles savent qu’elles ne seront pas accompagnées dignement dans leur vie. Dans une société qui stigmatise la dépendance, violente et maintient les personnes handicapées et âgées dans la précarité, la mort peut sembler une issue souhaitable. Nous ne pouvons pas laisser faire cela.
Ce n’est pas uniquement le projet d’austérité du budget 2026 qui est inacceptable. C’est toute la violence coloniale et libérale d’Etat qu’il faut stopper. Les violences racistes explosent, les discours xénophobes sont légitimés par des médias de grande écoute, l’Etat poursuit les exiléEs et personnes sans papiers français, les enferme dans des Centres de Rétention Administrative qui ne respectent aucun droit fondamental, produit une répression toujours plus violente des personnes racisées par les forces de l’ordre et un système judiciaire, met les mineurs isoléEs à la rue…
L’Etat ne peut pas être à deux vitesses. C’est pourtant déjà le cas, les citoyenNEs françaisEs d’Outre Mer sont privéEs des services publics justes et de leurs droits à la mobilisation pour l’autodétermination.
Nous, organisations militantes, voudrions travailler à améliorer la société actuelle (et il y a du travail). Pourtant, il faut se constituer en force, pour ne pas perdre de terrain face aux offensives libérales, de droite et d’extrême droite. Le tout dans un contexte international terrible de génocide dans lequel l’Etat français reste inactif et tient une part de responsabilité en fournissant des armes.
Mais, réjouissons-nous. Nous sommes nombreux et nombreuses. Le mot d’ordre « bloquons tout » est né de la colère face aux coupes budgétaires et à la volonté gouvernementale de faire payer la crise aux plus vulnérables — dont les personnes handicapées. Des organisations syndicales soutiennent la journée du 10 septembre (notamment Solidaires), quand d’autres se projettent vers le 18 septembre ; dans tous les cas, cette rentrée doit se faire sous le signe de la convergence des luttes.
Sous prétexte de nécessité budgétaire ils s’attaquent aux solidarités et aux principes de justice de base
Liste non exhaustive des mesures révoltantes, annoncées ou passées :
« Année blanche » 2026 (gel des prestations sociales) — Le plan budgétaire présenté en juillet 2025 prévoit le gel de la quasi-totalité des prestations sociales en 2026 (pas de revalorisation : AAH, AEEH, allocations familiales, RSA, retraites, etc.). C’est un appauvrissement mécanique, en particulier pour les ménages déjà précaires.
Baisse des remboursements en 2025 — Depuis fin 2024, le gouvernement a acté pour 2025 une hausse du ticket modérateur : les consultations ne sont plus remboursées qu’à 65 % (au lieu de 70 %) et nombre de médicaments passent de 65 % à 60 %, augmentant le reste à charge (souvent répercuté sur les complémentaires).
Franchises médicales doublées (mars 2024 – septembre 2025) — Par décret, les franchises ont été augmentées : par exemple 1 € par boîte de médicament (au lieu de 0,50 €) et relèvements des plafonds journaliers sur actes paramédicaux et transports, entrés en vigueur le 31 mars 2024. Le jeudi 4 septembre 2025, un projet de trois décrets doublant à nouveau les franchises médicales est présenté à la Caisse nationale d’assurance maladie.
Fin de vie / suicide assisté (2024–2025) — Après la dissolution de 2024 qui a interrompu l’examen du texte gouvernemental, l’Assemblée a adopté le 27 mai 2025 une proposition de loi « droit à l’aide à mourir », renvoyée au Sénat à l’automne 2025. Les collectifs antivalidistes alertent sur les dérives eugénistes d’une telle loi lorsqu’on empêche déjà l’accès à une vie digne.
Assurance-chômage : droits amputés (depuis 2023, renforcés en 2025) — Réduction de 25 % de la durée d’indemnisation (1er février 2023), puis nouveaux ajustements en 2025. Les personnes handicapées, plus souvent en emploi discontinu et à temps partiel contraint, subissent de plein fouet ces coupes.
Deux jours fériés supprimés (projet) — Mi-juillet, l’exécutif a mis sur la table la suppression de deux jours fériés dès 2026, déclenchant un rejet massif dans l’opinion.
Nouvelle restrictions d’accès à l’AIde Médicale d’Etat (septembre 2025) — Cette nouvelle mesure d’austérité va toucher de plein fouet les personnes en situation irrégulière les plus précaires et déjà vulnérabilisées, tout en aggravant les discriminations racistes et refus d’accès aux soins subies par les personnes non blanches.
“Responsabiliser”, le discours culpabilisant mensonger et validiste
Les éléments de discours sont violents. Le fondement de l’anti-validisme c’est que chacun a le droit à une vie digne et épanouissante, quelles que soient ses capacités.
Et pourtant, pour justifier les mesures concernant le doublement des franchises médicales, on nous demande de « Participer à l’effort national pour redresser les finances de l’Assurance maladie » (exposé des motifs du PLFSS 2024), il faudrait « Responsabiliser les patients » pour limiter la consommation « non nécessaire ».
Dans la même logique, le forfait urgences est présenté comme une manière de « désengorger les services d’urgence » en faisant “réfléchir à l’usage de l’hôpital.”
Dans les réformes chômage et RSA, on retrouve la même rhétorique de l’« effort » demandé aux bénéficiaires pour « mériter » l’aide.
Le 15 juillet 2025, le Premier ministre François Bayrou n’est pas en reste dans sa présentation du budget 2026. Il prévoit 5,5 milliards d’euros d’économies dans le secteur de la santé et déploie des arguments toujours plus culpabilisants : « Tout le monde devra participer à l’effort, y compris les malades. »
Ne soyons pas dupés par ces éléments de langage. Les chercheurs en santé publique et en sociologie notent que ce vocabulaire (« responsabilisation », « effort ») déplace la cause des déficits :
- au lieu d’insister sur le sous-financement structurel, on met en avant la « surconsommation » supposée des malades ;
- on induit l’idée que si les comptes de l’Assurance maladie sont dans le rouge, c’est « parce que les patients consomment trop » ;
- cela culpabilise implicitement les personnes âgées, malades chroniques et/ou handicapées (celles qui consomment le plus de soins) au lieu de questionner les choix de financement.
Cette rhétorique de l’effort a une fonction politique : elle permet de légitimer des hausses de reste à charge, tout en évitant de parler d’autres leviers (recettes fiscales, taxation du capital, etc.).
Nous les antivalidistes ne connaissons que trop bien ces arguments méritocratiques : “faites un effort”, “travaillez malgré votre santé difficile”, “levez-vous donc de ce fauteuil”… c’est une arnaque validiste.
Ces arguments vont totalement à l’encontre du sens même de la Sécurité Sociale, qui est un système de caisse coopérative de solidarité à laquelle chacunE participe. Ce n’est pas un don charitable de l’État, c’est une redistribution juste des cotisations : “ChacunE participe à la hauteur qu’iel peut et reçoit ce dont iel a besoin.”
La logique d’austérité stigmatise et précarise
Pris ensembles, ces choix construisent un mur d’obstacles : hausse du reste à charge (franchises + baisse des remboursements), droits sociaux gelés en 2026, accès à l’emploi sécurisé restreint par l’assurance-chômage, et une loi sur la fin de vie qui met en danger les personnes handicapées quand, dans le même temps, les soins, l’autonomie et la pleine existence sont sous-financés.
La mécanique est bien huilée : cette logique veut faire taire les personnes handicapées en organisant la pénurie et en les culpabilisant pour le “coût” qu’elles représenteraient, pendant que les plus aiséEs s’enrichissent toujours plus. Nous refusons cette stigmatisation.
Participer sans se mettre en danger : militer autrement que par le blocage
Ceci étant dit, comment agir ?
Tout le monde n’a pas les capacités physiques, sensorielles, cognitives ou psychosociales pour bloquer une route, tenir un piquet ou défiler longtemps. La crainte des violences racistes, LGBTQIA+phobes, psychophobes, validistes, sexistes,… exercées par les forces de police ou des groupuscules fascistes sur les minorités est également un frein très concret à l’engagement sur le terrain. Il n’y a aucune culpabilité à avoir. Voici des moyens d’action accessibles et plus sécurisants (à combiner selon vos possibilités) :
- Se syndiquer (ou se rapprocher d’un syndicat) et voter les mots d’ordre dans son orga, même si l’on ne peut pas se déplacer le jour J.
- Relayer les appels, analyses, visuels et témoignages : réseaux sociaux, listes locales, associations, médias indépendants.
- Intervenir auprès des élus (députéEs, sénateurices, conseils départementaux) : mails, courriers, appels téléphoniques, contributions aux consultations publiques.
- Soutenir financièrement : caisses de grève, associations de défense des droits, mutuelles affinitaires, collectifs locaux.
- Organiser/participer à distance : visios d’information, lives, modération de salons, production de tracts numériques accessibles (PDF, textes en FALC).
- Documentation & plaidoyer : écrire des tribunes, recueillir et diffuser des témoignages.
- Actions juridiques : saisir le Défenseur des droits en cas de discrimination, interpeller ARS/MDPH, droit d’alerte quand l’accessibilité ou la santé est en jeu.
- Mobilisation de proximité : banderole à la fenêtre, regroupements devant MDPH/CAF, rassemblements courts et accessibles (bancs, boucle audio, zones calmes), déambulations en fauteuil sur trajets courts, collages.
- Consommation citoyenne : boycotts ciblés et grève de la carte bancaire le 10 septembre si compatible avec votre situation.
- Prise de parole : interpeller publiquement sur l’impact cumulé des mesures (franchises, gels, remboursements).
- …….
Si votre santé ou votre sentiment d’insécurité vous empêche d’être physiquement présentE, vous militez déjà en témoignant, en relayant, en organisant, en finançant et en soignant votre propre sécurité. Ne hiérarchisons pas les engagements.
Appel à organisation locale & entraide
Nous invitons nos adhérentEs et soutiens à se rassembler localement s’iels le souhaitent, en veillant à l’accessibilité (parcours courts, temps de pause, interprétation LSF, documents en FALC, etc).
Notre Discord est ouvert pour coordonner ces actions, mutualiser du matériel (tracts, visuels) et organiser des relais à distance.
Repères chronologiques (sélection)
- 1er février 2023 — Assurance-chômage : durée d’indemnisation réduite de 25 % (décret du 26/01/2023).
- 31 mars 2024 — Franchises médicales relevées (décret du 16/02/2024).
- Automne 2024 → 2025 — Baisse des remboursements : consultations (70 → 65 %), médicaments (65 → 60 %).
- 1ᵉʳ janvier 2025 — RSA : inscription automatique/obligatoire à France Travail et renforcement des obligations. Mesure critiquée quand elle conditionne le versement à des heures d’activité.
- 27 mai 2025 — Aide à mourir : adoption en 1ʳᵉ lecture à l’Assemblée, examen au Sénat à l’automne.
- 15 juillet 2025 — Annonce d’une « année blanche » 2026 (gel des prestations) et suppression de 2 jours fériés.