[Cet article fait partie du projet « 31 bonnes résolutions anti-validistes » dévoilé en janvier 2020]

Parmi les expressions les plus éculées au sujet du handicap, le sempiternel « changer de regard » mérite la palme d’or. Sous des apparences bienveillantes et ouvertes à la différence, son usage répété est devenu à force un running gag dont on se passerait bien.

Si vous tapez « changer de regard sur le handicap » dans un moteur de recherche, vous trouverez un florilège d’articles ou vidéos mettant en scène des personnes handicapées exceptionnelles qui se démènent dans différents sports et activités. « Regardez, les handicapés ne sont pas seulement tristes et chiants, ils peuvent accomplir des choses ! ». On vous renvoie vers notre bonne résolution n°11 sur la « leçon de vie » et la pornographie de l’inspiration…

Cette formulation creuse occasionne également des mises en scène exaspérantes, comme le Duoday, une journée de « sensibilisation » organisée par l’État, où des personnes handicapées accompagnent pour une journée un professionnel sur son lieu de travail.  On filme tout ça, on rigole, bonne ambiance, et ensuite l’handi-accessoire retourne à sa vie, et tout le monde est content, oh oui, les gens ont découvert quelque chose dites donc. Mais rien n’a réellement changé.

Vous pouvez bien nous regarder sous tous les angles que vous voudrez, avec une loupe ou un objectif grand angle, notre handicap sera toujours le même, et nos difficultés seront toujours dues avant tout à la non adéquation de nos environnements de vie. Quant à nous, on a déjà essayé de regarder une entrée d’immeuble non accessible d’un œil joyeux et positif, elle ne s’est pas magiquement transformée en rampe d’accès.

Dire qu’il faut « changer de regard sur le handicap », cela sous-entend qu’il n’y a pas de problème structurel, et que la majorité des problèmes viennent de l’absence de sensibilisation du public aux questions du handicap. De fait, on individualise le problème du validisme, et on le dépolitise.

Alors effectivement, il y a des trucs à changer dans les mentalités, et on espère y participer à notre échelle. Mais vous savez comment ça se produit ? Par la loi et par l’action. Tout le monde est toujours d’accord pour dire que tel ou telle chose devrait être normale, mais si ça n’est pas réglementé, ça ne se fait pas. Et parfois, ça a beau être réglementé, ça ne suffit pas. L’obligation d’accessibilité des bâtiments publics, fièrement prônée par la loi du 11 février 2005, était déjà actée dans la loi d’orientation 75… Et n’est toujours pas appliquée ! Ça fait 45 ans les gars !

Du coup, forcément, on perd un peu patience. Regardez-nous comme vous voulez, de dos, de face ou de travers, mais nous ce qu’on voudrait vraiment, ce sont des actions concrètes ! Merci !

 

Quelques sources pour aller plus loin :

Voir sur Twitter : Bonne résolution n°20 : Je ne change pas de « regard » sur le handicap.

Télécharger le visuel de la bonne résolution n°20 (png) sous licence Creative Commons by-sa 2.0.