Journée Paralympique
Dimanche 8 octobre, à l’occasion de la Journée Paralympique, Les Dévalideuses et les Dégommeuses ont fait irruption sur la place de la République à Paris, avec banderole et pancartes contre le validisme de la société. Elles entendent visibiliser aux yeux du monde les discriminations subies par les personnes handicapées. Voici leur tribune.
Match retour contre le validisme
Oui, les champion·nes paralympiques sont des athlètes admirables.
On a hâte de les admirer pour leurs performances, leur détermination, leurs médailles.
On a hâte de les admirer exactement comme on admire les champion·nes olympiques. Avec le même enthousiasme populaire, et pour les mêmes raisons : leurs exploits sportifs.
Mais nous, personnes handicapées, savons aussi que les champion·nes paralympiques doivent surmonter bien plus d’obstacles que leurs homologues valides pour atteindre le haut niveau. Car ils doivent avant tout lutter pour atteindre, simplement, le droit à exister en tant que citoyen·nes dans une société profondément validiste, une société qui discrimine et exclut les personnes handicapées en raison de leur handicap – qu’il s’agisse d’un·e Paralympien·ne ou de madame ou monsieur Tout-le-monde.
Même les champion·nes aiment les ascenseurs.
Après des mois d’efforts et de sacrifices pour décrocher une qualification, il serait bien dommage que les sélections nationales du monde entier ne puissent rallier le Village Paralympique et restent coincées à l’aéroport, faute de transports en commun accessibles. Et pourtant.
Avec 93% des stations de métro inaccessibles, et 60% des lignes non-vocalisées, avec une offre de logements accessibles – temporaires et permanents – pratiquement inexistante, avec seulement 3% des sites web accessibles, avec l’éternelle non-application des lois françaises et européennes, permettez-nous d’être sceptiques quant à la devise olympique “l’important, c’est de participer”.
Même les champion·nes ont besoin d’une école inclusive.
Comment imaginer porter les couleurs de son pays dans des compétitions internationales, quand dès l’enfance, on est assigné à une place subalterne, enfermé dans des établissements dits spécialisés de relégation, privé du statut d’élève, privé de vie familiale, privé de ses droits humains les plus élémentaires ?
Même les champion·nes ont besoin de soins de qualité et accessibles
(et pas seulement pour se remettre d’une blessure sportive).
La destruction méthodique de la sécurité sociale et de l’hôpital public, le non remboursement de soins et d’aides techniques, les difficultés chroniques de recrutement de travailleuses de la santé et de l’aide à la personne, les cabinets médicaux inaccessibles, montrent bien le peu d’intérêt politique porté aux personnes handicapées et malades. N’oubliez pas que vous n’êtes qu’à un accident près de venir grossir nos rangs.
Même les champion·nes souhaitent échapper au Covid.
Parce qu’il nuit à la performance sportive, évidemment, mais surtout parce qu’il nuit à la vie tout court.
Les vagues successives de covid aigu viennent mettre à terre un système hospitalier déjà à genoux. Le déni du covid long et de ses conséquences à grande échelle détruit des vies aujourd’hui et fabrique les personnes handicapées de demain.
L’abandon de toutes mesures sanitaires relevant de la protection des populations n’est que le reflet de politiques de santé publique eugénistes.
Même les champion·nes subissent des violences sexuelles.
Dans le sport évidemment, mais aussi hors des terrains.
Quand les points d’accès au droit et les foyers d’accueil d’urgence sont inaccessibles, quand nos paroles sont sans cesse décrédibilisées, quand nous sommes placées par la justice sous la tutelle de nos abuseurs, comment faire, nous aussi, pour faire entendre un “Se Acabó” handiféministe ?
Les champion.nes paralympiques vous inspirent ?
Alors, qu’iels vous inspirent des politiques publiques et des moyens à la hauteur de nos existences !
“Dépasser nos handicaps”, non merci.
Mais pour surmonter le validisme la route est longue, et nous ne laisserons pas les opérations de communication autour des Jeux Paralympiques effacer l’urgence de nos luttes.
Crédit photo 1 et 3 : Anna Margueritat / Autres photos : Les Dévalideuses
La revue de presse
L’article de Néon : https://www.neonmag.fr/societe-politique/paris-2024-la-france-medaille-dor-du-validisme-denonce-le-collectif-handi-feministe-les-devalideuses-561538