Il y a quelques années, alors que j’étais encore un être jeune, impressionnable, j’ai été auxiliaire de vie. Lors d’une de mes missions je suis tombée sur un homme, appelons le Jean-Charles, la soixantaine, blanc.

Alors que je réchauffais les pâtes de Jean-Charles, celui-ci m’a demandé à de multiples reprises si je m’étais bien lavé les mains, et j’ai dû le refaire devant lui pour le rassurer. Pour engager la conversation, il a voulu que je lui parle des plats exotiques que je savais faire, je lui ai parlé de tartiflette et de Mont d’or mais je crois que ce n’était pas la réponse qu’il attendait. Plus tard, il m’a félicitée quant au fait que je n’avais pas d’accent avant de me demander depuis combien de temps j’étais en France.

Bref, au cas où vous n’auriez pas encore saisi, Jean-Charles était raciste. Jean-Charles était physiquement dépendant de femmes comme moi, souvent racisées, peu diplômées, et ça ne l’empêchait pas de leur faire comprendre que c’était lui le dominant. Parce que c’était mon travail, parce qu’il avait besoin de moi, je n’ai pas planté Jean-Charles. Je l’ai laissé balancer des énormités sur les noires et les arabes à son service, et j’ai ravalé ma salive.

Quand je raconte cette histoire, les gens sont souvent surpris par le fait que Jean était tétraplégique. Après tout, qui mieux qu’un handicapé pour comprendre l’exclusion, la ségrégation ou les discriminations ? Ce n’est pas totalement faux, mais ce n’est pas totalement vrai non plus.

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