« La loi fin de vie est une loi profondément validiste »
15 mai 2025
Les Dévalideuses s’opposent fermement au projet de loi « Fin de vie », scindé depuis le 21 janvier 2025 en un projet de loi relatif à “l’accompagnement et aux soins palliatifs” et un projet de loi relatif au “droit à l’aide à mourir”.
Le 2 mai 2025, la Commission des affaires sociales a validé la proposition de loi relative à la fin de vie. Entre le 12 et le 27 mai 2025, l’Assemblée Nationale va avoir comme ordre du jour majoritaire l’examen des deux propositions de loi à l’issue duquel aura lieu un vote solennel des deux lois.
Dans cet intervalle crucial, les collectifs anti-validiste français se mobilisent plus que jamais pour faire entendre leurs arguments contre la promulgation d’une telle loi.
Le collectif antivalidiste et féministe Les Dévalideuses alerte l’opinion publique sur la dangerosité de cette loi au côté d’autres militantEs comme le collectif Jusqu’Au Bout Solidaire (JABS) ou Elena Chamarro.
« Avant de pouvoir mourir dans la dignité, il faut pouvoir vivre une vie digne. Et si on veut donner le choix de la mort, il faut que ce choix ne soit pas biaisé. », déclare Charlotte Puiseux, philosophe handicapée et membre des Dévalideuses.
Parmi les actions proposées par les collectifs anti-validistes, l’envoi de mails type pour interpeller les députés de gauche, qui se sont jusqu’à présent majoritairement positionnés en faveur de ces propositions de loi.
Les Dévalideuses et les autres militantEs anti-validistes soulèvent les problématiques suivantes en lien avec le projet de loi “Fin de vie” :
- Ce projet de loi est redondant
La loi Claeys-Leonetti votée le 9 juin 1999 et mise à jour le 2 février 2016, est une loi qui répond déjà aux besoins d‘amélioration de la fin de vie des personnes malades : “elle met à disposition les directives anticipées et la désignation de la personne de confiance, pour permettre à nos concitoyens d’exprimer leurs volontés. Elle a clarifié les conditions de l’arrêt des traitements au titre du refus de l’obstination déraisonnable, en réaffirmant le droit du malade à l’arrêt de tout traitement, à bénéficier de la sédation profonde et continue jusqu’au décès lorsque le pronostic vital est engagé à court terme, en plaçant le patient au cœur du processus décisionnel en rendant ses directives anticipées contraignantes pour le médecin.” (Source : Santé.gouv)
Or, cette loi Claeys-Léonetti est peu connue des malades et des soignantEs et n’est donc pas suffisamment mise en œuvre.
- Ce projet de loi suit une casse des services de soins palliatifs et du système de santé
Le gouvernement d’Emmanuel Macron œuvre depuis plusieurs années à une réduction des dépenses dans la santé. Ce constat a des conséquences désastreuses sur la prise en charge des malades dans les hôpitaux, mais aussi des conséquences directes sur la fermeture des unités de soins palliatifs partout en France. 26 départements en France ne disposent pas de centres de soins palliatifs.
Pourtant, les personnes en fin de vie qui ont accès aux soins palliatifs ne demandent généralement plus à mourir.
L’accès aux soins est indéniablement difficile en France, accentué par l’expansion des déserts médicaux. Le rapport du 06 mai 2025 « Prévenir les discriminations dans les parcours de soins : un enjeu d’égalité » de la Défenseure des droits met en exergue cette réalité notamment pour les personnes handicapées. Ce rapport met en lumière les dynamiques discriminatoires présentes dans le milieu médical : “Les témoignages reçus mettent en évidence différentes modalités d’expression de ces discriminations : refus de soins explicites, délais d’attente supplémentaire ou proposition de créneaux horaires spécifiques, réorientation abusive, inaccessibilité physique des lieux de soins, consultation écourtée, propos stigmatisants, minimisation des symptômes, orientation vers des soins différents, etc.”
Ces discriminations sont dénoncées depuis longtemps par les militants antiracistes comme le préjugé du syndrome méditernnéen qui entrave lourdement l’accès au soin des personnes non blanches. Les personnes transgenres sont également touchées de façon disproportionnée par des discriminations dans l’accès au soin. Ces discriminations peuvent amener de nombreuses minorités à envisager une aide à mourir plutôt qu’un processus de soin maltraitant et difficile.
- Les personnes handicapées en première ligne de ce projet de loi
Si le rapport de la Défenseure des Droits pointe du doigt l’inaccessibilité physique des lieux de soin, cette constatation va de pair avec des réalités de vie catastrophiques pour les personnes handicapées : couverture amoindrie des frais médicaux, MDPH refusant arbitrairement le remboursement d’aides à la mobilité et limitant les heures d’accompagnement par des auxiliaires de vie, ainsi qu’une Allocations Adulte Handicapé en dessous du seuil de pauvreté. L’institutionnalisation est également régulièrement dénoncée par des collectifs anti-validistes comme les Dévalideuses qui pointent la responsabilité du gouvernement face à ce maintien des personnes handicapées dans des lieux de vie totalement indignes. Tous ces éléments sont des points déterminants dans le choix potentiel d’une personne handicapée à mettre fin à ses jours.
Le handicap n’est pas clairement évoqué dans le texte de loi. Cependant, cette loi concerne une grande partie de personnes handicapées en France, qui le sont du fait d’une maladie. Ce texte est le fruit d’un validisme profondément intériorisé qui veut que la vie des personnes handicapées ait moins de valeur que celle des personnes valides.
Les personnes handicapées sont majoritairement plus précaires et discriminées dans tous les aspects de leur vie que les personnes valides, ce qui peut être la vraie raison d’une volonté de mourir.
Dans un contexte de fascisation de la société, légaliser l’euthanasie et le suicide assisté représente un grand risque de dérive eugéniste. Des propos violents et discriminatoires sur le “coût” de la vie des personnes handicapées se libèrent, comme chez Donald Trump qui a évoqué les économies possibles si les personnes handicapées avaient un accès élargi à l’euthanasie ou au suicide assisté.
« Dans un monde validiste, légaliser l’euthanasie, c’est institutionnaliser un eugénisme bienveillant. », déclare encore Charlotte Puiseux.
- Des dérives suite à la légalisation de la mort assistée sont documentées à l’étranger
Les exemples des pays ayant légalisé l’euthanasie et observant des dérives de son application se multiplient. C’est notamment le cas au Canada où de nombreuses personnes handicapées y ont eu recours pour échapper, non pas à la maladie, mais à la précarité ou à la perte de leur logement. Aucune limite législative ne pourra empêcher cette dérive dans l’utilisation de la mort assistée.
Par ailleurs, la loi canadienne, d’abord assez restrictive, n’a cessé de s’élargir. En France, les amendements proposés à ce projet de loi et finalement rejetés inaugurent une dynamique similaire :
- Délit d’appliquer l’euthanasie aux personnes déficientes intellectuelles (rejeté)
- Vérification de l’absence de pressions sur le patient (rejeté)
- Délit d’incitation au suicide assisté ou à l’euthanasie (rejeté)
Les militants anti-validistes se mobilisent
Les médias ont très peu relayé les arguments anti-validistes contre ces projets de loi, et les voix anti-validistes ont été absentes des débats publics.
Pour remédier à cela, de nombreux militants ont pris la parole sur les réseaux sociaux, comme Elisa Rojas et Elena Chamorro, ainsi que des collectifs tels que Jusqu’au Bout Solidaires (JABS), le CLHEE ou encore l’ARRA.
En collaboration avec le collectif JABS, les Dévalideuses proposent à toute personne souhaitant faire pression d’envoyer un mail type à son député pour influencer les débats qui se tiendront jusqu’au 27 mai.
Les Dévalideuses organiseront également un long live sur leur chaîne Twitch le 20 mai à partir de 14h afin de mettre en avant les discours anti-validistes contre le projet de loi sur la fin de vie.