Crédit photo : Anna Margueritat

Antivalidistes, nous avons mille raisons de dénoncer les conséquences des Jeux Olympiques et Paralympiques. Les Jeux servent de prétexte pour un « nettoyage social » des plus vulnérables. Les belles promesses d’accessibilité universelle ne sont pas tenues mais font joli dans la communication. Et les Jeux Olympiques Paralympiques sont médaille d’or de stéréotypes validistes.

En prévision des Jeux Olympiques et Paralympiques, de nombreuses expulsions ont eu lieu, mettant à la rue les plus précaires et vulnérables. Les cibles principales sont les personnes sans papiers, les travailleureuses du sexe ou les personne sans abri.

Le collectif Le Revers de la Médaille met en lumière les dégâts sociaux des JOP. Avec 87 associations, ils estiment et documentent le “nettoyage social” qui a lieu. Plus de 12 500 personnes ont été expulsées de lieux de vie informels en un an et les personnes en situation de grande exclusion ont été dispersées et éloignées de la capitale par de vastes opérations de nettoyage social.

Les associations Strass, Act Up ou bien AcceptessT denoncent le harcèlement de la police envers les Travailleureuses du sexe à l’approche des Jeux Olympiques et Paralympiques.

L’Observatoire international des prisons dénonce le dispositif de surveillance qui va impliquer énormément de comparution immédiate, il y a de nouvelles lois pour punir par exemple le fait de faire la manche.

Médecin du monde dénonce qu’aucun plan sérieux de prise en charge des personnes à la rue n’a été pensé.

Le Comité International Olympique n’a aucune vocation à prendre part dans les questions sociales. Aucune vocation à penser ses responsabilités. Londres, Vancouver, Pékin, Tokyo ont saisi l’occasion des JO pour faire du nettoyage social. Alors qui décide ? C’est un choix politique gouvernemental et policier.

Les expulsions, et la maltraitance des plus vulnérabilisés concernent pleinement la lutte antivalidiste. Les excluEs deviennent souvent handicapéEs, sont excluEs du soin, du droit au logement, de la vie digne en général. Et les handicapéEs sont vulnérabiliséEs, majoritairement précaires, tenuEs à distance de leurs droits à la vie digne, aux déplacements, au logement. 

Les JOP aggravent les inégalités d’accès au logement

La crise du logement est un des principaux facteurs de pauvreté en France, et ne cesse de s’aggraver. 

L’Ile de France est particulièrement sujette à cette impossibilité de se loger, et à l’impossibilité d’accéder à la propriété. En 2020, l’État est revenu sur la loi ELAN de 2005 et donc sur l’obligation d’accessibilité des logements neufs pour remédier au mal-logement criant des personnes handicapées, rabaissant l’objectif de 100% à 20%.

Les jeux Olympiques ont lieu principalement en Seine Saint-Denis, l’un des département les plus pauvres de France, qui manque de services publics et de logements sociaux pour une vie digne de ses habitantEs.

Les Jeux Olympiques offrent l’occasion aux acteurs de l’aménagement d’accelérer des processus déjà à l’œuvre, de construction de logements neufs et majoritairement innaccessibles financièrement aux habitants.

“Le village olympique est totalement PMR accessible” est un argument qui devrait suffire pour faire passer la pilule de tout le reste ? non.

Ne soyons pas dupes, le village olympique va devenir des logements privés et les investisseurs privés voudront un retour sur investissement. Ces logements ne vont pas être accessibles financièrement par les personnes localement, qui, en partie, n’ont pas accès au prêt bancaire.

L’accessibilité n’est pas qu’une question de taille de portes et de couloirs. L’approche anti-validiste impose de penser l’accessibilité sociale et financière collective. Qui peut se loger, et où, et pour qui construit t on la ville ? 

Le droit au déplacement : Paris et l’Ile de France restent terriblement inaccessible, quoi qu’en disent les responsables politiques

On nous a promis des jeux populaires et accessibles. L’accessibilité au sens large du terme, ça nous connait.

Les promesses pour un “Paris accessible” ont été faites : début septembre 2018, Sur France Bleu Paris, Valérie Pécresse avait alors fixé un objectif de 60% du réseau accessible au moment de l’accueil de l’événement planétaire dans l’Hexagone, et en particulier dans la Région-capitale.

La mise en accessibilité est un échec. En 2024 seulement 3% des stations de métro Parisienne intra muros sont accessibles à tous types de handicap. 

Lydie Raer, élue locale d’Ivry et membre des Devalideuses : Le validisme c’est le système d’oppression qui hiérarchise les vies. L’argument du manque de moyen et de préservation du patrimoine sont toujours sollicités pour dire qu’on n’a pas les moyens d’accessibiliser. Nos vies valent vos vies. 

La mise en accessibilité Personnes à Mobilités Réduites (PMR) de 100% des bus de Paris ne traduit pas les réelles difficultés d’usage. Les dysfonctionnements sont récurrents, et en Ile de France, seulement 28% des lignes accessibles PMR. Les gares de RER accessibles ont toujours des problèmes d’assensceur.

Les adaptations mises en place occasionnellement, (navettes dédiées aux personnes en fauteuil roulant, taxis adaptés, plateformes d’accessibilité) au-delà de leur fonctionnement incertain, ne transforment pas la ville au long terme, et proposent, encore et toujours des déplacements “à côté” pour les personnes à mobilité réduite.

Le validisme est intégré aux politiques publiques : La Présidente de Région, Valérie Pécresse, a dit en présentant le plan de transport pendant les JO : “Il faudra descendre dans la station d’avant pour réguler le flux. Ce n’est pas un problème, un tiers des personnes que Paris attend sont des 20-35 ans. A 20 ans, on peut marcher une centaine de mètres de plus !”

Cette phrase relève d’une hypothèse que les jeunes sont mobiles, et que c’est même la définition d’une jeunesse. Jeunes (ou pas) et handiEs, nous existons et souhaitons avoir le droit au déplacement et à l’ accès à l’espace public.

En 2023, nous avions bloqué (symboliquement) le métro les Invalides pour dénoncer l’inaccessibilité des transports en commun, à Paris mais partout en France. Figurez vous que l’accessibilité ne s’est pas magiquement améliorées depuis septembre 2023.

Photo d'un groupe des personnes, majoritairement des femmes, portant des pancarte "qui sème l'innacessibilité récolte la colère", "même les champions aiment les assensceurs". Elles tiennent une banderole qu'on ne voit pas en entier.

Photo d’un groupe des personnes, majoritairement des femmes, portant des pancarte « qui sème inaccessibilité récolte la colère », « même les champions aiment les ascenseurs ». Elles tiennent une banderole qu’on ne voit pas en entier. Crédit photo : Teresa Suarez

 

Les Jeux Paralympiques ont un impact dans la vision du handicap dans la société

Les personnes handicapées sont TRES peu représentées dans la société. En résumé, il y a le téléthon et les Jeux Paralympiques.

Le sport paralympique reste, un sous sport, qui se passe à côté des “vrais jeux”. Les médias se désinteressent, les prix des places diffèrent, les dates et les moyens financiers aussi. D’ailleurs dans paralympique, il y le préfixe « para » grec qui signifie “à côté de”. Les jeux Paralympiques, dans leur existence même, reproduisent la séparation des vies handies et des vies de valides qui existe dans la société.

Et c’est pas fini ! A coté des jeux Olympiques et des jeux Paralympiques, il y a les Deaflympics (Deaf signifie sourd en anglais). Pas les mêmes villes, pas les mêmes dates. « « La seule raison qui empêche les personnes sourdes de participer aux jeux, c’est que ni les Jeux olympiques ni les Jeux paralympiques n’ont mis en place l’accessibilité nécessaire pour cela », regrette Lyn, du Collectif de luttes anti-validistes (Clav). » 

Les athlètes handiEs sont bien moins connus et starifiéEs. Samir Gassama, entraîneur de Cecifoot au Bondy Cecifoot club témoigne dans le podcast  En quête des possibles, Episode Paris Paralympique. Lorsqu’il jouait au futsal avec les valides, il était rémunéré et maintenant qu’il joue au Cecifoot, plus du tout. “Dans d’autres pays où on a été en compétition, en Argentine les joueurs de Cecifoot ont des affiches dans la rue, sont connus.” L’équipe de France de Cecifoot a été finaliste en 2012 des Jeux Paralympiques à Londres. Ils ont ramené une médaille mais cela n’a en rien permis le développement de la pratique du sport.

Plus largement, les jeux Olympiques sont l’occasion de reproduire de nombreux stéréotypes discriminants dans leur communication. Pour illustration, l‘association des Journalistes Racisés (AJAR) a produit un Kit à destination des professionnels de l’information pour mettre en lumière les stéréotypes raciaux dans le traitement des Jeux. Ielles dénoncent les comparaisons aux animaux sauvages, la gazelle, le félin accolés aux sportifVEs raciséEs, ou les statistiques qui célèbrent les compétences stratégiques des joueurEUSEs blancHEs contre la vitesse et la force des joueurEUSEs raciséEs.  Ces commentaires sportifs discriminants sont entendus par des centaines de milliers de personnes. 

Entre mythe des capacités et communication inspirante, les Jeux Paralympiques renforcent les clichés validistes.

Les formules magiques aparaissent dans le métro, et appellent les valides à prendre leur billets pour les Jeux Paralympiques “changez de regard sur le handicap”. Presque une promesse de développement personnel. En parlant de promesse, les Jeux Olympiques et Paralympiques devraient être d’après nos représentantes politiques locales : “révolution culturelle, et grande leçon de vie”.

Et pourtant,  “Nous ne sommes pas des leçons de vie.” C’est le slogan d’une de nos pancartes, déployée à l’occasion de la Journée Paralympique en Octobre 2019. Avec les Dégommeuses, nous avons fait irruption sur la place de la République à Paris, avec des pancartes et une banderole géante contre le validisme de la société. 

L’autre récit mystique, après l’inspiration porn des Jeux Olympiques et surtout Paralympiques, c’est le dépassement de soi comme preuve de sa valeur.

Charlotte Puiseux l’appelle le mythe des capacités : “Le sport, et encore plus le sport de haut niveau, porte en lui le culte de la performance, pousse les corps à l’extrême, jusqu’aux limites de leurs possibilités, et suscite une admiration collective qui érige les sportives en demi déesses. (…) Le sport permet de différencier les êtres humains selon leurs performances, le gagnant étant le plus fort, et exalte les notions de mérite et de juste concurrence.”

Le dépassement de soi est une condition pour les handicapés pour avoir droit de cité. C’est un récit validiste qu’on doit défaire. Lydie Raer, élue locale à Ivry et membre des Dévalideuses. 

L’image des sportifs handicapés est instrumentalisées et promeut le dépassement de soi et une forme de méritocratie. Ces communications ont un impact réel sur toutes les vies en dépolitisant et individualisant les vulnérabilités, et en niant les difficultés validistes réelles que rencontrent les sportifves paralympiques. 

Les SportifVEs impliquéEs dans les Jeux Paralympiques font face à du validisme, de l’essentialisation

Dans l’histoire du handicap sur France Culture, on  apprend que notre perception actuelle du handicap vient de la Grèce antique pendant laquelle on estimait que les corps étaient représentatifs de l’âme intérieure. Donc un corps perçu comme moche ou différent reflétait une âme distordue.

Faire d’une caractéristique (ici le handicap) le critère définissant une personne, l’essence d’une personne, c’est de l’essentialisation.

Nanteinin Keita est sportive de haut niveau d’athlétisme, et a une déficience visuelle. Elle raconte qu’elle participe à des compétitions avec des valides et avec des handiEs. Une fois elle avait gagné devant les valides, et l’entraîneur de la sportive arrivée seconde l’avait accueillie en disant “tu t’es fait battre par une handicapée !!”. C’est très essentialisant.

Nanteinin Keita  témoigne que le fait d’être sportive de haut niveau lui permet d’être porte-parole. Elle tient à montrer que le handicap est une caractéristique parmi d’autres, pour cesser d’être essentialisée.

Les autres discriminations sont aussi présentent, et restent difficiles à combattre. Les joueurs français ultra-marins témoignent de racisme explicite lors d’entrainements 

 

En plan rapproché, une femme handicapée en fauteuil roulant. Elle a les cheveux châtains coupés court et porte des lunettes. Elle tient dans ses mains une pancarte où il est écrit "Pas d'égalité sans accessibilité". Derrière, on aperçoit de grands arbres sur fond de ciel bleu, des drapeaux colorés et une foule de gens en contrebas.

En plan rapproché, une femme handicapée en fauteuil roulant. Elle a les cheveux châtains coupés court et porte des lunettes. Elle tient dans ses mains une pancarte où il est écrit « Pas d’égalité sans accessibilité ». Derrière, on aperçoit de grands arbres sur fond de ciel bleu, des drapeaux colorés et une foule de gens en contrebas. Crédit photo : Anna Margueritat

 

Classifications des corps et mesure de la déviance 

Charlotte Puiseux, autrice, philosophe écrit dans son essai anti validiste De Chair et de Fer qu’il est impossible de distinguer simplement deux catégories dans la population, les handicapéEs et les valides. Parce que le handicap est un continuum. L’existence des corps appareillés par exemple met bien en difficulté les organisations sportives pour classer ces performances et ces sportifVEs.

La mise en catégories pour les JOP tente de faire des catégories de handicapés. Alors qu’il y a trop de situations pour faire des groupes concrètement homogènes. 

L’estimation de la “déviance” entre leur corps et le corps valide médicalement est calculé par un nombre de points.

Anne-Elisabeth d’Acremont , joueuse de rugby fauteuil au club CAPSAA. Ne peut pas participer aux matchs internationaux parce qu’elle n’a pas de nom de maladie par exemple. 

Son coach, et multi champion handisport Ryadh Salem, déplore la déshumanisation du système de classement par points qui empêchent de jouer. La classification selon lui est une forme de justice, comme par exemple les catégories par poids des boxeurs. Le problème ce sont les moments absurdes.  Selon lui, dans d’autres pays, il y a des moyens, les coachs et joueurEUSEs sont bien payés, il y a des diplômes,… Et cela, nécessite de sortir d’une vision essentialisante du handicap.

Les personnes trans vivent la même violence de classification des corps. Les personnes trans, intersexes ont des expériences proches des personnes Handies, puisque leurs corps et leurs identités ne rentrent pas dans les cases binaires du genre. Toutes sortes de mesures sont inventées, sous prétexte “d’équité” sportive, pour classifier et mesurer l’écart à une certaine vision de ce qui est naturel.

De même les sportives françaises qui portent le foulard sont exclues de la compétition par la France. Leurs corps à elles non plus ne sont apparemment pas les bienvenus dans la « grande fête populaire » des Jeux. Amnesty International publie en Juillet un rapport estimant que cette interdiction « bafoue le droit international relatif aux droits humains et révèle l’hypocrisie discriminatoire des autorités françaises ».

Les Jeux Olympiques et Paralympiques ont un impact réel sur la vie des gens. Les personnes minoriséEs sont les plus impactées, autant par les déplacements de populations que par la ville rendue inaccessible. La vie réelle est impactée aussi par la reproduction des stéréotypes dans la communication et dans le choix des corps qui sont autorisés à représenter l’humanité au top de sa performance.


(Res)Sources : 

JO : Les associations dénoncent un harcèlement policier envers les travailleuses du sexe à Paris – Street Press, avril 2024

1 AN DE NETTOYAGE SOCIAL AVANT LES JOP 2024, Rapport interasociatif, Le Revers de la Médaille, juin 2024

Podcast En quête des possibles, Episode Paris Paralympique 

JO 2024 : quand l’inclusion par le sport reste une illusion pour les personnes handicapées – Basta !, mai 2023 

L’accessibilité, une promesse de Paris 2024 difficile à tenir – La Monde, 29 Mai 2024 

Match retour contre le validisme : Tribune des Dévalideuses suite à l’action de la Journée Paralympique, Octobre 2023

France. L’interdiction du port du foulard dans le sport en France met au jour l’existence d’une politique du « deux poids, deux mesures » discriminatoire à la veille des Jeux olympiques et paralympiques – Amnesty International – Juillet 2024