[Cet article fait partie du projet « 31 bonnes résolutions anti-validistes » dévoilé en janvier 2020]

C’est drôle (non) mais nous personnes handicapées, subissons généralement un double standard. Nous sommes souvent « pas assez handicapés » pour recevoir telle aide financière ou faire des petites tâches du quotidien, et en même temps « trop handicapés » pour mener nos vies librement.

Un exemple concret ? Nous sommes généralement hyper enthousiastes quand un.e ami.e, nous confie ses projets les plus fous : déménager à Londres, entreprendre un an d’étude au Japon, sauter en parachute, rénover une vieille maison, ou simplement se marier et avoir des enfants.

Bizarrement, cet enthousiasme débordant se transforme en interrogatoire angoissé voire outré, quand la personne en face est en fauteuil roulant, ou présente n’importe quel autre handicap assez lourd.
– « Dans ton état ?? Mais comment tu vas faire ? Tu as pensé à ton traitement ?… »

Se mettre en couple, fonder une famille, vivre en autonomie, voyager… sont autant de décisions qui devraient n’appartenir qu’aux personnes concernées. Et d’autant plus dans nos situations ! Vous n’avez pas idée de nos quotidiens, contraintes et possibilités, nous oui.

En remettant sans cesse nos projets en question, vous contribuez à nous infantiliser, et à nous déposséder de cette liberté de choix si essentielle à chaque être humain. Et cela se manifeste particulièrement lorsqu’on touche à la parentalité.

Il est communément admis que le souhait d’enfant, pour une personne handicapée, est un souhait égoïste, soit parce que notre handicap est génétique, soit parce que nous sommes jugés « trop handicapés » pour élever un enfant.

Et les gens ne se privent pas d’exprimer ouvertement leur opinion !
« Est-ce que c’est bien raisonnable ? Tu ne te rends pas compte de l’énergie que cela représente. Et quelle vie pour lui ? Qu’est-ce que tu vas lui dire plus tard ? » Et bien, on lui dira la vérité !

Pourquoi notre handicap serait-il un frein à la parentalité ? En quoi le fait d’être en fauteuil roulant, aveugle, sourd.e, ou bipolaire nous rendrait moins capable d’élever un enfant, seul.e ou en couple ? Nous avons ce qu’il faut de temps, d’énergie et d’amour à donner !

Laissez-nous être des parents comme les autres ! Car plus que nos handicaps, ce sont les jugements extérieurs qui nous freinent, quand ils ne nous empêchent pas carrément d’enfanter !

[TW viol] Attention, sujet sensible !

S’il est très difficile d’obtenir des estimations chiffrées, en France, comme dans d’autres pays européens, une pratique eugéniste se perpétue sous le manteau : la stérilisation forcée des personnes handicapées. Pour éviter à certaines personnes handicapées de procréer, des soignants, à leur initiative ou celle de la famille, stérilisent des jeunes adultes handicapés sans leur consentement. Cela concerne essentiellement les personnes avec des handicaps ou troubles mentaux, mais pas que.

Parfois, c’est même un pré-requis pour intégrer une institution et éviter au personnel d’avoir à « gérer » la vie sexuelle des jeunes sous leur responsabilité.
Parfois, il en va juste de l’opinion personnelle du médecin qui effectuera même la stérilisation à l’insu des proches.

Une enquête, réalisée en Gironde à la fin des années 90, estimait qu’un tiers des jeunes handicapés mentaux vivant en institution avaient été stérilisés.

Quand on sait que les femmes handicapées sont au moins 3 à 4 fois plus touchées par les violences sexuelles, il n’est pas rare que ces stérilisations soient, en plus, la porte ouverte aux viols.

Au passage, rappel important : ce n’est pas parce qu’une personne présente des handicaps ou troubles psy/mentaux qu’elle n’est pas capable de faire des choix éclairés. Tenir volontairement ces personnes dans l’ignorance (de leur propre sexualité) et la dépendance (financière, affective, médicamenteuse…) est une maltraitance couramment admise, sous couvert de bonnes intentions.

Pour conclure, nous voulons simplement être considérés comme des êtres humains à part entière, capables de décider par et pour eux-mêmes.
Que nos choix ne soient plus jamais entravés par les préjugés validistes de nos proches, des soignants, et de la société toute entière.

 

Quelques sources pour aller plus loin :

Voir sur Twitter : Bonne résolution n°26 : Je ne remets pas en question les projets d’une personne handicapée.

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