Un texte de Yolanda Vargas traduit par Les Dévalideuses.

La façon dont le monde voit les gens avec des handicaps physiques n’est pas idyllique. Je suis une femme fière handicapée Latino-Américaine ainsi que Queer/Bi/Pan et malgré le fait d’avoir 26 ans, on me traite comme si j’en avais 6. Particulièrement quand il s’agit de construire des relations romantiques ou platoniques au sein de la communauté LGBTQIA, il semblerait que les gens n’arrivent pas à se dire qu’une personne en chaise roulante peut ne pas être hétérosexuelle. Si déjà, ils arrivent à me voir comme quelqu’un de sexuellement actif. Pour être franche, les gens partent du principe que les personnes avec un handicap physique ne baisent pas, n’éprouvent pas de désir ou ne peuvent aimer.

 

Comme pour les autres groupes marginalisés, la communauté handicapée est diversifiée, pas seulement dans la façon dont nos handicaps se manifestent, mais sur d’autres aspects qui forment nos propres identités. C’est une chose que j’aime dans ma communauté – tout le monde peut en faire partie, pas besoin de baigner dedans depuis toute petite, et il est impossible de savoir quand tu vas la rejoindre. Mais même dans la communauté handicapée, il n’est pas toujours sans danger d’être ouvert à propos de son orientation. Parfois j’ai l’impression d’être à la croisée des mondes, ne pouvant complètement m’intégrer à l’un ou l’autre. Toujours est-il que j’essaye quand même.

 

Personne ne m’a jamais donné le droit d’avoir quelque sorte d’orientation sexuelle ou de désirs romantiques. En primaire, j’ai raconté à un groupe de filles de ma classe que j’avais un coup de coeur pour le garçon le plus nerd et anxieux existant. Je n’avais même pas réalisé l’avoir dit – avec mes meilleures amies, qui avaient également des handicaps physiques, on parlait constamment de nos béguins. Mais les filles à qui je venais de le dire n’avaient pas de handicap. Au début elles ont essayé de me dissuader d’avoir un crush sur lui. Il n’était pas pour moi. Ce qu’elles voulaient bien sûr dire par là, c’est qu’il n’était pas handicapé. Elles ont passé bien 10 minutes à tenter de me faire dire que c’était l’autre personne de notre classe, en fauteuil roulant, que j’aimais. Pendant les 2 années suivantes, j’ai été harcelée, maltraitée pour avoir eu ce coup de cœur.

 

Chaque bout de littérature et de films grand public a dépeint un sombre portrait, de ce à quoi ressemble, dans la conscience collective, une relation hétéronormée avec une personne ayant un handicap.

Je me souviens très clairement à 20 ans, de mon père me disant que je trouverais plus facilement un gars lorsque je serais dans la quarantaine, car il y aurait moins de compétition. Ma mère, dès qu’elle pensait que je n’étais pas aux alentours, faisait des mauvaises blagues sur le fait que sa butch de fille, encore dans le placard, mourrait seule. C’était mes parents ; c’était les personnes qui me connaissaient, ils auraient dû être capables de me voir comme un être humain avec des émotions et sentiments complexes.

 

Donc quand je me retrouve dans des situations où je peux ouvertement parler de mon orientation et que la seule réaction que je constate est un silence malaisant, cela peut être démoralisant. Je n’en veux pas aux gens que je rencontre et qui sont mal à l’aise à l’idée que des personnes comme moi puissent avoir une vie sexuelle. Pourquoi ne le seraient-ils pas ?  Chaque bout de littérature et de films grand public a dépeint un sombre portrait, de ce à quoi ressemble, dans la conscience collective, une relation hétéronormée avec une personne ayant un handicap. D’un autre côté, les personnes handicapées passent de l’incarnation vivante de l’innocence et de la pureté à quelque chose qui est secrètement fétichisée, le plus souvent sans notre consentement. Toujours est-il que l’on attend de nous que nous soyons reconnaissant de chaque attention que nous recevons, même si elles ne sont pas voulues.

 

Comment peut-on arrêter de perpétuer les idées reçues, micro-agressions, et d’effacer les personnes ayant un handicap physique des espaces queer ainsi que dans les relations autant romantiques que platoniques ? Je suis heureuse que vous ayez demandé, car j’ai quelques pistes. Ceci n’est PAS une liste exhaustive mais c’est un bon endroit pour commencer.

 

Pour les événements :

  1. Parler à quelqu’un revient à considérer qu’elle sait de quoi elle parle. Ne prenez pas de haut les personnes quand celles-ci vous demandent des accommodations ou des informations.
  1. Les fauteuils roulants, cannes et autres aides à la mobilité sont une extension de nos corps. Ne les touchez pas ou ne les bougez pas sans notre accord.
  1. Ne demandez pas aux gens ce qu’ils ont ou ce qu’il leur arrive dès que vous les rencontrez. Des dizaines de personnes m’ont déjà posé ces questions avant même de me demander mon nom.
  1. Ne débattez pas avec des personnes handicapées par rapport aux termes qu’elles utilisent pour s’identifier. Par exemple, je suis une personne handicapée. J’en suis fière. Donc s’il-vous-plait ne me dites pas que je devrais plutôt m’identifier en tant que personne avec un handicap. Ce n’est pas à vous d’en décider.
  1. Aidez les gens c’est chouette, mais si vous demandez à quelqu’un s’il a besoin d’aide et que cette personne vous répond par la négative, écoutez-la. Ne faites rien. Et surtout arrêtez de lui reposer la question.
  1. Souvent les personnes avec un handicap physique n’ont pas le contrôle de leur garde-robe, n’humiliez pas les personnes Trans et Queer si elles ne peuvent pas s’habiller comme il le faudrait.
  1. Ne dites pas à quelqu’un que vous comprenez son handicap car un membre de votre famille a le même handicap.

Pour les amis :

  1. Ecoutez votre ami pour connaitre les choses qui le mette à l’aise. Souvent on veut me soulever pour passer au-dessus de marches. Je trouve ça dangereux, et c’est à moi de décider ce qui est accessible pour moi et ce que je veux tenter de risquer pour l’atteindre.
  1. Ne culpabilisez pas les gens pour avoir annulé à la dernière minute. Les corps handicapés sont imprévisibles, et parfois nous devons faire des choix complexes en vu de pouvoir réaliser des actions nécessaires.
  1. S’il-vous-plaît, n’essayez pas de nous mettre en relation avec des gens juste parce qu’ils sont aussi handicapés.
  1. Soyez conscient des limites qu’imposent les transports aux personnes avec un handicap physique.
  1. Ne comparez pas les personnes handicapées les unes par rapport aux autres et ne les faites pas se sentir honteuses de ne pas en faire assez.
  1. Les personnes handicapées ne sont pas là pour vous inspirer ou vous rassurer à propos de votre vie.

Pour les partenaires sexuelles/romantiques :

  1. Communiquez avant d’avoir une relation sexuelle, même si vous en avez déjà eu une avec. Leurs corps peuvent être un peu différents cette fois.
  1. Faites en sorte d’être sûr que la personne handicapée se sente bien et en sécurité. Cela peut vouloir dire de s’assurer que leur aide à la mobilité est mise dans une zone précise, ou que certaines parties de leur corps ne seront pas touchées ou mises dans certaines positions.
  1. Les personnes handicapées ne vous doivent pas des  « extra » comme ne pas utiliser de préservatifs ou avoir un plan à trois.
  1. Vous n’êtes pas un saint ou une personne bien juste parce que vous sortez avec une personne handicapée.

Et une bonne règle qui s’applique à tous : Ne parlez pas à la place des personnes handicapées. Si des personnes non-handicapées, en vous entendant, pensent que vous parlez en leur nom, dites à celle qui vous fait la remarque que les personnes handicapées peuvent parler par elles-même.

 

Mon orientation sexuelle est une chose à laquelle j’ai accès à travers mon corps, pas à son dépend. Quand j’imagine ma parfaite vie Queer, tout, à propos de moi, est le même. Mes jambes ont les mêmes 6 cicatrices. Je ne peux toujours pas allez dans l’herbe sans que mes roues se coincent, et mon poids est toujours aussi insignifiant. La chose qui a changé c’est que je peux contribuer significativement aux problèmes auxquels fait face la communauté LGBTQ+ de mon quartier. On me fait confiance. Encore mieux, je peux me détendre. Plutôt que devoir éduquer chaque nouvelle personne que je rencontre, je passe des heures à faire des choses géniales, comme vendre les mérites de faire devenir des personnages de fictions canoniquement bisexuels ou essayer de deviner si l’invitation que j’ai reçue plus tôt est juste un rendez-vous amical ou amoureux. Je n’ai pas besoin de validation extérieure pour me sentir en confiance avec mon orientation sexuelle. Mais la connexion humaine et l’expérience partagée par la communauté qui l’entoure est une expérience incroyable, une source de joie grandissante dont tout le monde devrait profiter au sein de notre communauté.

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Cet article est une traduction effectuée par nos soins dans le cadre d’un vaste projet de traduction de ressources (articles, interviews, vidéos, etc.) autour du handicap, du validisme et du féminisme. Si vous souhaitez contribuer à ce projet en traduisant des ressources ou en nous soumettant des ressources intéressantes, n’hésitez pas à nous contacter !

Source : Queer enough to know what I want ; Disabled enough to be ignored, un article publié en juin 2019 sur le site Graceless.com, et écrit par Yolanda Vargas.

(pour une meilleure lisibilité et rendre ce texte plus accessible nous avons choisie d’utiliser des pronoms féminins concernant l’autrice de ce texte, car celle-ci se genre comme une femme non-binaire, le texte initial étant écrit de façon neutre et non-genrée.)