Chaque année c’est la même chose : une musique qu’on reconnait à la première note, un plateau, des compteurs de dons et surtout des personnes en fauteuil roulant mises en scène pour faire pleurer dans les chaumières. Le Téléthon rassemble de nombreux.ses téléspectateurices touché.e.s, ému.e.s et pour certain.e.s ravi.e.s de faire un don en faveur de la recherche, leur BA défiscalisée de l’année. Mais cet évènement télévisuel pose de nombreux problèmes que des militant.e.s handicapé.e.s dénoncent.

Comme tous les ans, le 8 et 9 décembre aura lieu le Téléthon. Or, de nombreux militants et militantes handicapées et notamment l’association handi-féministe Les Dévalideuses, se mobilisent pour demander le retrait de cette émission pourtant si populaire. D’ailleurs, en 2015 aux Etats-Unis, celle-ci a été interdite suite à la mobilisation de nombreux.ses militant.es. En réalité, personnes ne
s’oppose à la recherche, même si un financement de l’état serait bien plus approprié. Qu’une recherche indispensable pour tout à chacun repose sur les dons de particulier est en effet totalement absurde.

Mais si on ne rejette pas la recherche, pourquoi s’opposer au Téléthon ?

Dans un monde où les représentations des personnes handicapées sont si rares dans les médias (0.6% alors que cela concerne environ 20% de la population), le Téléthon montre durant 2 jours non-stop une image misérabiliste du handicap. Le but est, bien sûr, d’émouvoir les spectateurices afin de récolter un maximum d’argent. Or, inciter des enfants ou de jeunes adultes handicapé.e.s à dire que leur vie ne vaut pas d’être vécue a un effet délétère sur notre image. Ce qui nous limite le plus dans notre société c’est son inaccessibilité, sa discrimination et son validisme… et non nos handicaps. Or, ces problématiques sont invisibilisées durant ces émissions.

Jamais vous n’entendrez dire pendant le Téléthon que les personnes handicapées et psychiatrisées sont bien souvent enfermées dans des institutions où leurs droits fondamentaux (de circuler, de voir des personnes extérieures ou même de choisir leurs occupations ou leur alimentation) ne sont pas respectés, que dans ces lieux clos, les personnes handies sont sans défenses, sans ressources face à tous les types de violences qui s’exercent sur elles à l’abri des regards. Vous n’entendrez pas qu’un rapport récent de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants indique que les enfants en situation de handicap présentent un risque près de trois fois plus élevé d’être victimes de violences sexuelles que les enfants valides, ni que 35 % des femmes en situation de handicap subissent des violences physiques ou sexuelles de la part de leur partenaire, et qu’une femme handicapée sur cinq a déjà été victime de viol. Vous n’entendrez pas non plus que le travail en ESAT est réalisé par des personnes handicapées qui n’ont pas accès au droit du travail, aux syndicats ou à une rémunération équivalente au SMIC. Vous ne serez pas informés sur les discriminations au travail, les violences administratives ou médicales, sur le report sans fin de la loi de 2005 pour l’accessibilisation des lieux recevant du public ni sur toutes les galères que vivent 7,7 millions de français.e.s handicapé.e.s, galères qui pourraient être évitées s’il y avait une réelle volonté politique en ce sens.

Mais peut-être devrions-nous attendre que la science nous guérisse ? C’est la seule option que nous propose le Téléthon.

Nous rejetons la vision misérabiliste de nos existences qui cache les raisons sociétales de la plupart de nos mal-être, raisons qui pourraient disparaître. Nous rejetons également la vision misérabiliste car elle rend inconcevable la possibilité tout à fait réelle d’être parfaitement heureux.ses lorsqu’on est handicapé.e.s. Car oui, nous ne passons pas chaque jour de notre vie à regretter de ne pas
pouvoir courir, voir ou entendre !

Mais nous ne souhaitons pas non plus être une source d’inspiration pour les téléspectateurices du Téléthon. Cet « inspiration porn » (porno de l’inspiration), comme l’appelle la journaliste et comédienne Stella Young, invisibilise une fois de plus les changements que devraient opérer la société pour nous permettre de vivre correctement. En effet, si on pense que les personnes handicapées sont « courageuses », alors elles s’adapteront bien à nous, à notre façon de vivre. Elles sont si fortes, pourquoi changer ?

Aussi, avec Les Dévalideuses, nous souhaitons envahir les ondes le 8 et 9 décembre avec un grand contre-téléthon : des textes de divers militant.e.s ont été enregistrés et seront diffusés sur plusieurs radios dans toute la France à chaque heure pile. À ça s’ajoutera une campagne sur les réseaux sociaux et un collage d’affiches dans toute la France.

Vous pouvez retrouver toutes les informations nécessaires, les affiches à télécharger et de nombreuses ressources sur https://lesdevalideuses.org/stop-telethon/.

Avril