[Cet article fait partie du projet « 31 bonnes résolutions anti-validistes » dévoilé en janvier 2020]

Oui ça parait absurde asséné comme ça, mais il est un autre cliché qui survit péniblement, c’est celui du soit-disant « privilège » lié au handicap.
Alors ce qu’on se demande spontanément c’est « d’où vient ce cliché ? ». A quel moment peut-on décemment penser que la vie quotidienne d’une personne handicapée, autiste, tétraplégique, sourde, dyspraxique ou schizophrène, est faite de privilèges ?

On se dit déjà que si les fictions ne nous servaient pas régulièrement le cliché de la personne « lourdement » handicapée, malheureuse MAIS richissime, on n’en serait peut-être pas là. Mais en réalité, quels sont ces soit-disant privilèges que vous nous enviez tant ?…

Les « avantages » liés à la reconnaissance de qualité de travailleur handicapé (RQTH), et à notre formidable quota d’embauche en entreprise ?

En vrai, la RQTH est loin d’être automatique, elle nécessite de remplir un lourd dossier et d’exposer notre vie intime à l’administration. Et même avec un handicap définitif, incurable, il faut régulièrement justifier et renouveler nos droits sous peine de les perdre ! (Il semble que cette règle absurde va être révisée, mais on attend de le voir pour le croire…)

Pour les études aussi nous sommes discriminés. Locaux inaccessibles, manque de moyens humains et financiers pour nous permettre de suivre nos cursus (quand ça n’est pas un manque flagrant de bonne volonté), difficultés de communication liées à notre handicap…

C’est vrai, si on arrive à dépasser tout ça, on pourra éventuellement bénéficier d’un temps additionnel ou d’autres aménagements pour passer nos examens. Ou d’accès prioritaires pour certains concours. Une maigre consolation quand on sait les difficultés pour arriver jusque là.

Ce sont nos minimas sociaux qui vous font rêver ? Savez-vous que l’Allocation aux Adultes Handicapés (AAH) est encore sous le seuil de pauvreté ?

Ou bien, est-ce cette joie d’avoir constamment quelqu’un à nos côtés pour nous lever, nous laver, nous nourrir, et nous transporter ? Ah ça oui on se la coule douce hein.

Alors quoi, est-ce que ce sont les places handicapées idéalement situées aux endroits stratégiques qui font de nous des privilégiés ? Mais quand marcher quelques pas est douloureux, ou quand il nous faut un mètre d’espace pour sortir notre fauteuil, est-ce vraiment enviable ?

Au passage, une voiture adaptée coûte cher. Très cher. Pour espérer être aidé il faut monter un lourd dossier auprès de la MDPH, avec des délais d’attente de 6 à 12 mois. C’est un surcoût énorme, pour un remboursement bien trop souvent partiel…

Cherchons encore… Les toilettes handi, plus spacieuses ? Ben oui, il faut bien ça pour pouvoir manœuvrer son fauteuil.
Nous n’avons pas autant d’alternatives que vous, alors imaginez la course pour trouver des toilettes accessibles quand le problème se fait urgent !

La priorité aux caisses dans les magasins ? Bien difficile à faire respecter au quotidien, tant les gens sont pressés.
Souvent on préfère encore serrer les dents et endurer douleurs et désagréments plutôt que de devoir subir les regards outrés et commentaires des clients.

Si « par chance » notre handicap est lourd, visible, identifiable (bref, en fauteuil roulant), là, on aura droit à un peu de bienveillance. Souvent même de façon excessive « Y a un handicapé, laissez-le passer ! ». On devient alors l’archétype du « vrai handicapé ».

Là les gens se disent « Elle, lui, c’est normal qu’on l’aide » et nous imaginent plein aux as. (true story)
Mais l’Etat lui, trouve qu’on coûte quand même un peu cher, et tente sans cesse de nous aider un peu moins. Nous tremblons constamment sous une épée de Damoclès.

La stricte compensation de nos handicaps n’est pas un privilège. Il s’agit de justice sociale.
Ne pas laisser les personnes handicapées dans la misère financière, leur assurer les mêmes droits, leur autonomie, l’accès aux soins et aux aides techniques, etc, c’est juste LA BASE. Nous n’avons pas choisi nos handicaps.

Nos vies sont composées de beaucoup de choses, mais on a bien cherché, on n’y trouve vraiment aucun privilège.

 

Quelques ressources pour aller plus loin :

Voir sur Twitter : Bonne résolution n°30 : Je cesse de considérer le handicap… comme un privilège !

Télécharger le visuel de la bonne résolution n°30 (png) sous licence Creative Commons by-sa 2.0