Crédit montage photo Liz Coulbourn pour Teen Vogue.

 

Texte original.

Traduit au féminin générique par ClemZ pour les Dévalideuses.

 

Par l’équipe de Teen Vogue, le 19 septembre 2022

Les compagnies aériennes sont revenues sur l’obligation de porter le masque dans les avions. Les centres de prévention et de contrôle des maladies ont annoncé que la plupart des Américaines n’ont plus besoin d’appliquer la distanciation sociale et le confinement. Les écoles et les employeuses cessent de proposer des options de travail à distance et d’autres aménagements pour les étudiantes et les travailleuses. Dans différents États américains, les possibilités de vote par correspondance sont abrogées.

De ce fait, de nombreuses malades chroniques ou handicapées américaines, dont le nombre a augmenté avec les cas de Covid long, se sentent délaissées, leur exclusion apparaissant comme une conséquence acceptable du retour à la normale.

Nous avons interrogé 11 activistes pour les droits des personnes handicapées sur les expériences qu’elles ont vécues durant la pandémie et sur le futur de la lutte pour les droits et l’inclusion des personnes handicapées. Leurs réponses ont été condensées et légèrement éditées par souci de clarté.

1. Comment penses-tu que la pandémie a changé la façon dont la société perçoit les personnes vivant avec des handicaps ou des maladies chroniques ? 

Leah Lakshmi Piepzna-Samarasinha, coordinateur·rice militant·e et auteur·e, entre autres de Care Work: Dreaming Disability Justice[1]Le travail du soin : Rêver de justice pour les personnes handicapées – ‎ Arsenal Pulp Press – 30 octobre 2018 : La pandémie a rendu le monde “crip”[2]De “cripple”, infirme en français. Le mouvement de fierté des personnes handicapées dans le monde anglo-saxon se revendique de la “crip culture”. et grâce à ça il y a eu une grande prise de conscience sur les conditions de vie des personnes handicapées et malades chroniques. Brutalement, et souvent pour la première fois, les gens ont dû se confronter à la réalité du quotidien pour une personne handicapée : devoir s’isoler pour assurer sa sécurité, socialiser dans cet état d’isolation, s’entraider, savoir reconnaître quand on est malade ou pas, télétravailler ou, si on ne le pouvait pas, faire en sorte de se protéger contre le virus.

En tant que personne immunodéprimée à haut risque, j’ai vu tout à coup apparaître des options crip que je réclamais depuis des années. Par exemple, des heures réservées pour les personnes âgées, à risque ou immunodéprimées ont été proposées à l’ouverture de mon supermarché habituel.

J’ai vu des personnes valides s’éduquer sur le handicap et le validisme et être reconnaissantes envers le militantisme et les ressources handies. Mais je pense que beaucoup de personnes n’ont pas non plus caché qu’elles voyaient les personnes handicapées comme des dommages collatéraux, et que si nous devions mourir pour que Walmart et Coachella restent ouverts, ainsi soit-il.

Molly Burke, autrice digitale aveugle, militante et influenceuse : on a entendu beaucoup de gens dire “Je n’ai pas besoin de me faire vacciner parce que je ne suis pas vulnérable”. Cela dépréciee la valeur de la vie des personnes vulnérables, qui sont souvent handicapées ou malades chroniques… On avait l’impression que tout le monde se sentait concerné par la première vague de Covid, mais ce n’est plus ce qu’on voit dernièrement.

On dirait que notre société dévalue nos contributions mais qu’elle n’a ensuite aucun problème à nous utiliser comme “inspiration porn” quand ça la conforte ou que ça la fait se sentir mieux.

Isabel Mavrides-Calderón, 18 ans, militante et coordinatrice de mouvement pour les droits des personnes handicapées : 

La pandémie a mis en lumière le validisme présent dans tous les aspects de la société. Il n’y a jamais eu d’infrastructure adaptée mise en place pour soutenir les personnes handicapées. Pendant des années, les étudiantes handicapées et malades chroniques ont imploré leurs établissements de mettre en place des options en distanciel pour quand elles étaient hospitalisées ou ne pouvaient pas se rendre à leurs cours, et on leur a toujours dit que c’était impossible. Le système médical et les services d’aide psychologique n’étaient pas accessibles aux personnes qui ne pouvaient pas se rendre physiquement dans les infrastructures de soin.

Si la société avait écouté les personnes handicapées depuis le début, notre transition vers un monde plus digital se serait faite plus en douceur. J’espère que cela nous a montré que les aménagements sont bénéfiques pour tout le monde.

Una Aya Osato, artiste, autrice et éducatrice touchée par un Covid long : 

Il est estimé que rien qu’aux États-Unis, 16 millions de personnes vivent avec un Covid long. Je pense que pour n’importe quelle personne concernée par le handicap du fait d’ un Covid long ou pas, la pandémie a été un grand déclic sur ce que c’est que de vivre dans notre monde validiste… Mais pour la société au sens large, je pense qu’il a été possible de faire abstraction de tout ça quand les gens le souhaitaient et c’est déchirant pour les personnes qui ne peuvent pas le faire.

J’ai juste envie de crier au monde entier : pensez aux autres et pas qu’à vous ! Merci d’écouter et d’apprendre des personnes incroyablement sages et généreuses qui réfléchissent et travaillent en faveur de la justice pour les personnes handicapées (JPH), pour toute notre société. S’il vous plaît. 

Liv Stone, militante pour les droits des personnes handicapées et championne du monde de parasurf : 

Il y aura toujours des gens pour ne pointer du doigt que le négatif ou ne pas nous traiter avec respect, mais la société actuelle avance à grands pas vers l’inclusion. Je vois des efforts réels vers l’amélioration de l’accessibilité des entreprises et de l’espace public. Y aura-t-il toujours des discriminations ? Oui, c’est ma réalité et celle de beaucoup d’autres personnes handicapées. Mais nous avançons.

Teona Studemire, auteur·ice handicapé·e et créateur·ice digital·e :

Il semble que le grand public nous voit encore plus comme un fardeau que d’habitude. Je suis habituée à entendre et voir des rhétoriques qui nous déshumanisent, ou nous privent de notre valeur simplement parce que nous sommes handicapées et que nous avons besoin d’assistance et d’aménagements, que nous ne pouvons pas faire certaines choses ou devons les faire différemment… Nous sommes vite passées de “nous sommes toutes ensemble dans cette épreuve” à s’entendre dire que nous devrions juste rester à la maison et “vivre dans la peur” d’une pandémie qui a tué des millions de personnes et laissé une quantité innombrable d’entre nous avec des handicaps et des maladies chroniques.

Imani Barbarin, militante pour les droits et l’inclusion des personnes handicapées : 

A vrai dire, je crois que les personnes handicapées ont été mises de côté par la pandémie et la réponse gouvernementale.

Même si je crois que de nombreuses personnes se rendent davantage compte du validisme et des constructions sociales autour de la perception du handicap, ces révélations sont trop peu étendues et arrivent trop tard pour les centaines de milliers de vies de personnes handicapées perdues parce que nous avons inutilement politisé un virus et avons vu les personnes handicapées comme dispensables en premier lieu.

C’est donc tragique qu’alors même que le grand public voyait les personnes handicapées comme des pertes nécessaires pour sauver l’économie, il soit lui-même devenu  plus handi tout au long de la pandémie. Ils sont à notre place maintenant.

2. Que signifie pour toi  la justice pour les personnes handicapées ?

Sandy Ho, coordinatrice communautaire, militante et mobilisatrice de ressources : 

Les structures de ce pays ont été créées par des colonisateurs blancs, cisgenres, valides, qui n’étaient pas capables et ne voulaient pas imaginer une société qui soutiendrait les personnes autochtones, noires et de couleur; queer et trans; ou handicapées. La justice pour les personnes handicapées est une justice pour tout le monde. Elle trace un meilleur chemin vers le futur, qui met la priorité sur le soin collectif et l’aide mutuelle, assurant un accès équitable à tout ce dont nous avons besoin pour vivre et expérimenter la joie, la liberté et notre humanité.

A la fois comme pratique et comme but final, la justice pour les personnes handicapées n’est pas seulement pour les personnes handicapées. Mais il faut faire confiance aux  personnes handicapées et croire au fait qu’elles possèdent la sagesse et la créativité de construire un monde plus équitable et accessible – grâce à leurs expériences de vie et  à un cadre de soin plus large et inclusif. [La JPH] revendique que nous suivions le leadership des personnes autochtones, noires et de couleur (abréviation PANDC) handicapées, qui sont au plus près de l’injustice, de la précarité, du validisme et de l’exclusion, et sont donc les mieux placées pour mener la réinvention de nos façons de faire et d’être.

Naomi Hess, associée de recherche pour la santé à Mathematica et fière militante pour la justice pour les personnes handicapées : 

La justice pour les personnes handicapées signifie de prendre en compte leurs besoins pour toutes les facettes de la vie. Cela demande de comprendre que le handicap n’est pas un monolithe, parce que le handicap existe dans une grande variété de formes et peut être influencé par les autres identités d’une personne.

La justice pour les personnes handicapées, c’est aussi comprendre que le handicap n’est pas intrinsèquement mauvais. Il apporte au monde une multitude de superbes différences. Dans l’ensemble, la justice pour les personnes handicapées est essentielle pour créer un monde accessible et inclusif pour tout le monde.

Leah : La justice pour les personnes handicapées (JPH) est un mouvement révolutionnaire créé en 2005 par et pour les handicapées noires, marrons, queer et trans, centré sur nos visions, vies, aspirations et problèmes… Nous sommes anti-capitalistes, anti-impérialistes, anti-racistes et abolitionnistes. La JPH part du principe que nous ne pouvons pas réparer le système seulement avec des lois et des politiques – bien que des lois comme l’Acte pour les Américaines Handicapées et l’extension Medicaid sont des interventions cruciales qui ont aidé des personnes à survivre – mais que nous avons aussi la capacité de créer de nouveaux mondes où les PANDC handicapées et leurs connaissances créent un futur libéré.

Quand je dis “nos problèmes”, je peux donner comme exemple le fait que dans les meurtres policiers de PANDC, au moins 50% sont aussi handicapées, sourdes ou neurodivergentes. Nous devons montrer comment le racisme et le validisme se rejoignent si nous voulons mettre fin aux violences policières… Les coordinatrices pour la justice pour les personnes handicapées sont des meneuses pour la création de lieux “sûrs” dans le contexte d’événements sur la crise climatique. Cela implique d’amener des lits et des chaises aux manifestations, de créer de l’art, des performances et de livrer des récits sur nos vies et d’insister sur la vérité : que nous sommes, pour reprendre les paroles de Stacey Park Millbern, “puissantes, beaux et belles du fait de ce que nous sommes et pas malgré cela”.

Una : Quand j’ai commencé à me rendre compte que je n’irai pas “mieux” après huit mois de maladie dûs au covid long – alors que tout le monde autour de moi au début du mois de mars 2020 me disait quand j’étais tombée malade que ce n’était qu’un “mauvais rhume” qui ne durerait que deux semaines – ce sont des personnes avec des maladies chroniques et des handicaps plus “expérimentées” qui m’ont accueillie, réconfortée et stabilisée par leur amour et leur soin. Elles m’ont conseillée sur les meilleures façons d’évoluer dans ce nouveau milieu du handicap et de la maladie chronique.

Mes amies m’ont laissé faire le deuil de mon corps et de ma vie “d’avant”, m’ont encouragée à le faire et m’ont accueillie dans ce monde merveilleux où les gens rêvent et créent activement un univers où tout le monde est le bienvenu.

Isabel : En tant que personne avec des identités intersectionnelles, la JPH c’est s’aimer soi-même, parce que ça signifie d’aimer toutes les parties de moi et de lutter pour elles sans s’excuser. Cela comprend beaucoup de choses : militer pour l’aide médicale dans les communautés d’immigrantes, lutter pour que tout le monde aie accès à l’avortement et rendre accessible chaque manifestation, marche ou évènement, de n’importe quel mouvement, parce que le vrai changement doit être accessible pour être inclusif.

Pendant très longtemps, le mouvement pour les droits des personnes handicapées a été centré sur des personnes handicapées blanches, cisgenres et hétéros. La réalité est que la communauté handie n’est pas un monolithe et que nous avons souvent une variété d’identités intersectionnelles. Nous devons lutter pour tout le monde.

3. Quelles sont pour vous les prochaines étapes les plus importantes de la lutte actuelle pour les droits des personnes handicapées et l’inclusion ?

Leah : Nous devons nous battre pour mettre fin au capitalisme et à la montée du fascisme dans ce pays (les États-Unis), par tous les moyens nécessaires. Nous devons continuer à créer des espaces émergents de notre communauté où nous pouvons survivre et nous épanouir. Nous devons continuer à nous épauler les unes les autres.

Je pense que les gens ont eu un avant-goût de la révolution du soin à l’œuvre pendant le Covid et je voudrais que nous continuions à chercher comment nous garder les unes les autres en vie, en sécurité et aimées. Nous pouvons demander des choses à l’État, mais celui-ci sera de plus en plus satisfait que nous mourrions car cela signifie qu’il n’aura pas à payer pour nos soins – d’autant plus que la pandémie a rendu des millions de personnes nouvellement handicapées par le Covid long, des troubles de stress post-traumatique et d’autres choses. Et ce nombre va continuer à augmenter.

Nous pouvons voir clairement avec la fin du droit à l’avortement, les attaques sur les PANDC, les personnes handicapées, les travailleuses du sexe et/ou les personnes trans que nous luttons contre un fascisme qui essaie d’écraser toute personne qui croit en l’autonomie corporelle… Nous sommes notre meilleure arme et notre meilleure ressource. Même quand je suis tétanisé·e par la peur, je crois que nous pouvons nous battre pour construire un nouveau monde.

Hannah Diviney, autrice et militante pour la JPH :

Nous devons absolument nous concentrer sur la participation réelle des personnes handicapées dans le monde du travail, et pas au niveau d’entrée et en tant que “token”[3]Personne recrutée pour représenter une minorité et donner bonne conscience à l’employeur, sans que de réels efforts d’intégration ne soient fournis. mais aux niveaux de la direction et des conseils d’administration. Une représentation concrète dans les médias ne peut pas être atteinte sans investissement dans les talents handis à la fois devant et derrière la caméra.

Cela doit commencer dès l’enfance et c’est pourquoi je fais campagne depuis 18 mois pour que Disney crée une princesse handicapée. Ma pétition a réuni plus de 60 000 signatures mondialement et a été soutenue notamment par Blake Lively et Reese Witherspoon.

Il est nécessaire et urgent que les systèmes de santé soient réformés. Cela permettrait aux individus d’accéder aux soins, aux médicaments et au soutien leur permettant de vivre une meilleure vie, sans que cela ne soit conditionné ou par le fait qu’elle peuvent se le payer, ou par le fait qu’elles sont parvenues à convaincre des agences de financement qu’elles rentrent dans leur cases.

Au-delà de ça, le droit d’une personne handicapée à recevoir des aides financières et à vivre une vie qui ne soit pas passée dans la pauvreté extrême ne devrait jamais dépendre de leur statut conjugal. Personne ne devrait avoir à choisir entre la possibilité de payer certaines choses et la personne qu’elles aiment. L’égalité dans le mariage n’existe pas si les handicapées n’y ont pas droit.

Molly : Nous sommes la seule minorité que n’importe qui peut rejoindre à n’importe quel moment. La majorité des personnes handies ne le sont pas à la naissance, la majorité des handicaps arrivent entre 18 et 60 ans. C’est un sujet auquel tout le monde devrait s’intéresser. Vous ne devriez pas attendre que ça vous affecte vous ou une proche pour en avoir quelque chose à faire de la représentation, de l’accessibilité, de l’égalité et des aménagements.

La majorité des discriminations que nous subissons viennent de l’ignorance, naissent d’un manque d’éducation et de représentation authentique du handicap. C’est pourquoi mon approche militante se base sur les réseaux sociaux et la création de contenu qui soit à la fois divertissant et éducatif. Vous pouvez apprendre des choses sans même vous en rendre compte, parce que vous vous amusez et que vous appréciez quelque chose.

Je rencontre les gens là où ils sont : sur TikTok, Instagram, là où ils sont déjà en train de consommer du contenu, parce que nous savons que la majorité des gens ne va pas activement chercher ce contenu. Nous savons que le système éducatif ne le fournit pas. Et nous savons que les médias traditionnels ne le fournissent pas non plus : nous avons 3% de représentation dans tous les médias américains. C’est incroyablement triste… si les gens voient  à la télé une personne handicapée qui est avocate, médecin, qui travaille au gouvernement, ils peuvent ensuite penser que c’est possible que des personnes handicapées fassent ces choses là.

Naomi : Les personnes handicapées doivent faire du plaidoyer pour elles-mêmes dans toutes leurs activités car elles savent que leurs besoins ne seront pas pris en compte à moins qu’elles ne les fassent remonter elles-mêmes. Le meilleur moyen de remédier à cela est de s’assurer que les personnes handicapées soient entendues et vues en politique, dans le monde économique et les autres secteurs.

Une des façons de permettre aux personnes handicapées d’accéder à des positions de meneuses est d’étendre l’accessibilité du vote. Cela peut se faire de différentes façons, par exemple en augmentant les contrôles de l’accessibilité des bâtiments de vote en présentiel, ou en étendant le vote par correspondance ou la prise de contact avec les électrices handicapées. Les taux de vote des personnes handicapées sont systématiquement plus faibles que ceux des valides, souvent à cause des problèmes additionnels auxquels elles doivent faire face lorsqu’elles essaient de voter.

De nombreux changements qui rendraient le vote plus accessible aux personnes handicapées seraient aussi bénéfiques aux valides. Chaque individu, handicapé ou non, mérite de pouvoir participer à notre démocratie américaine.

Isabel : Le système éducatif spécialisé pour les personnes handicapées conduit à la prison, en particulier pour les étudiantes avec des identités intersectionnelles marginalisées. Les étudiantes handicapées sont toujours victimes de ségrégation dans ce système [d’éducation spécial]. Alors que 55% des étudiantes blanches handicapées passent la majorité de leur éducation dans le système éducatif général, ce chiffre tombe à 30% pour les élèves noires. Cette ségrégation a créé une société où seules 75% des élèves handicapées finissent le lycée. A l’échelle nationale, c’est une épidémie, avec 70% des jeunes avec des handicaps émotionnels quittant l’école et se retrouvant arrêtées par la police dans les 5 ans qui suivent.

Les personnes handicapées sont poussées à l’échec par un système éducatif qui ne se préoccupe pas de leur futur.

Ananya Rao-Middleton, illustratrice et activiste sur les sujets de la maladie chronique et du handicap :

Le mouvement pour les droits des personnes handicapées a encore de gros problèmes de “whitewashing”[4]Blanchiment culturel. du handicap. C’est un énorme problème, car le handicap affecte en moyenne davantage les personnes noires, indigènes ou de communautés ethniques minoritaires que les communautés blanches. Le “whitewashing” du mouvement pour les droits des personnes handicapées efface ce fait.  A cause de cela, les problèmes spécifiquement liés au fonctionnement du tandem racisme et validisme ne sont pas pris en compte ni écoutés.

Sandy : L’injustice est cousue dans le tissu de nos institutions, de notre culture et dans nos logiques. Défaire ces fils demandera des transformations sociales profondes. C’est un travail de longue haleine.

Toute personne travaillant pour la JPH au gouvernement, dans la philanthropie ou sur le terrain, devrait respecter le principe du mouvement : laisser les plus impactées mener le mouvement. Les expériences vécues de nos communautés sont essentielles, inestimables et très franchement non-négociables dans ce travail.

La philanthropie n’est pas totalement détachée d’un passé marqué par la charité et la recherche de remèdes, et la façon dont l’eugénisme était une stratégie de levée de fonds et un engagement pour le donneur quand il s’agissait de financement pour les personnes handicapées. Celles qui soutiennent le mouvement devraient le financer, recruter, donner des ressources et faire confiance aux personnes handicapées dans leur lutte pour mener leur propre libération.

Ce mouvement ne s’excuse pas de célébrer, promouvoir et de toujours choisir la sagesse, la joie et les façons de vivre handies alors que c’est souvent le choix le moins estimé dans notre société.

Teona : [La JPH], c’est lutter pour un système de soin universel accessible financièrement, c’est changer la façon dont nous voyons le handicap et l’eugénisme qui est toujours en arrière-plan quand on parle de nous. C’est aussi réaliser que les problématiques handies n’affectent pas juste les personnes handicapées.

Le handicap n’est pas un monstre malveillant tapi dans l’ombre, dont il faut avoir peur. Mais c’est de l’ignorance que de faire sa vie comme si les ressources et l’aide que nous utilisons en tant que personnes handicapées ne vous sera jamais utile. La JPH, c’est agir maintenant pour résoudre des problèmes plutôt que de les laisser empirer, forçant des personnes handicapées – qui ont déjà moins de moyens financiers, d’accès, d’énergie et de temps pour la lutte – à les résoudre.

Imani : Je crois qu’il est impératif que nous nous concentrions sur l’utilisation du validisme comme une boîte à outil de la suprématie blanche. Toute forme de marginalisation est faite pour handicaper celles à la merci du système de gouvernance. Pour avancer vers l’égalité, nous devons regarder en face une histoire de l’eugénisme, de la science raciale et du validisme qui cherche à isoler, à priver de leurs droits et à rejeter celles qui sont considérées comme inutiles par la société.

 

References

References
1 Le travail du soin : Rêver de justice pour les personnes handicapées – ‎ Arsenal Pulp Press – 30 octobre 2018
2 De “cripple”, infirme en français. Le mouvement de fierté des personnes handicapées dans le monde anglo-saxon se revendique de la “crip culture”.
3 Personne recrutée pour représenter une minorité et donner bonne conscience à l’employeur, sans que de réels efforts d’intégration ne soient fournis.
4 Blanchiment culturel.